Bravo à Louis-Marie Dussere pour sa victoire sur “Raging-Bee” JPK 1010
Le Fastnet en solo de “Raging – Bee” par Louis-Marie :
La navigation en solitaire c’est le nouveau challenge que je me suis donné et « Round The Rock Solo » (il ne faut pas dire «Fastnet» c’est réservé à Rolex…) sera ma première régate en solo.
Parmi les 46 concurrents 7 Sunfast3600, 6 Sunfast3200, 6 JPK1010 et 1 JPK960 et des skippers de haut niveau tels que Pierrick PENVEN que l’on ne présente plus, Deb FISH fameuse solo-navigatrice aussi redoutée Outre-manche que l’est Pierrick de notre côté du Channel, Will SAYER ancien vainqueur de l’OSTAR, et beaucoup d’habitués des courses du RORC en double.
Pour le départ le samedi 02 juillet à 12H00 Lo, les fichiers donnent 20nds Sud Ouest Mollissant dans la soirée. Puis dimanche passage d’un petit front chaud vers Lands End se déplaçant vers l’est pouvant donner des vents de secteur Nord Est faibles. Retour du vent au Sud Ouest vers les Scilly et bascule à droite forcissant pour une montée musclée au près vers le Fastnet (25nds fichiers). Vent d’Ouest 15nds pour tourner le caillou et pour redescendre aux Scilly, tournant sud ouest à l’arrivée au DST Scilly. Enfin une dorsale en provenance du golf de Gascogne pour la dernière ligne droite : vent faible secteur SO entre Bishop et Plymouth.
En résumé de l’Ouest avec deux transitions à négocier: le petit front chaud dimanche et la dorsale pour la fin de course.
Samedi 02 juillet 12h00 Lo : départ musclé sous un gros nuage donnant des rafales à 27nds… Je décide de ne pas prendre de ris pariant sur un vent mollissant 20nds conformément aux fichiers météo. Erreur… Le vent ne faiblit pas au contraire. GV haute je subis mais sur l’eau plate du Solent j’arrive à garder le bateau +/- à plat.
A la sortie du Solent le vent est toujours fort (entre 25 et 30Nds) et la mer se forme. Je vire pour m’abriter en baie de Poole. Mon objectif en restant à terre est d’attraper la renverse de marée à Portland ce que je parviens à faire dans la soirée. De plus le vent faiblit enfin : je reprends la maîtrise de ma navigation, je vire dans la veine et ressorts de Portland devant les bateaux partis au large : joli coup !
Suit un grand bord au sud ouest vers DST Casquet pour contourner le petit front chaud annoncé par les fichiers et éviter les vents les plus faibles situés sur la route. Le bord est long, je suis bien réglé et j’en profite pour dormir et manger. Au près, allure « penchée », je mange froid pour ne pas avoir à cuisiner : sandwichs jambon-fromage et Yop en dessert. Je dors par tranche de 30’ après avoir réglé mes différentes alarmes : AIS bien sûr mais aussi TWA, TWD, COG, approche des côtes et des zones interdites (roadbook)… Bref il est rare que je ne sois pas réveillé par une alarme avant les 30’ prévues ! Je me repose tout de même bien et en fin de nuit, je n’échappe pas à la molle. A un moment je redoute même d’avoir à mouiller… Heureusement il n’en sera rien mais les petits copains s’en sortent mieux que moi et au petit matin un message SMS sur mon iridium m’informe que Pierrick est devant. Mais je suis dans le match, Pierrick est mon favori sur cette course et je considère comme une bonne nouvelle d’être à son contact à ce stade de la course.
Dans ce front chaud le vent tourne Est ce qui nous permet de sortir le spi : chouette on va manger chaud ! Pour les premiers jours de course, j’ai prévu des plats cuisinés frais que je réchauffe au bain-marie (bœuf bourguignon et blanquette de veau FERIAL). Pour les derniers jours ce sera lyophilisé.
Pour cette deuxième journée de course il va falloir négocier Lands End et l’arrivée aux Scilly. Le vent toune SO et avec ce secteur il y a risque de tampon à terre (présence de falaises + côte à droite du vent = divergence). Je choisis de rester au large. Pierrick qui est avec moi au large repique à terre dans l’Après-Midi. Je reste sur mon option large et dans la soirée j’aborde le couloir des Scilly en tête : 2ème joli coup et apéro Coca-Cola/saucisson pour fêter ça !
Passées les Scilly on se retrouve en mer Celtique où le courant est beaucoup plus faible et globalement toujours travers à la route donc facile à gérer. Le vent en revanche ne va pas être facile à gérer : sur ce long bord vers Irlande on va prendre 35/40nds de secteur Ouest. Je ne fais pas route directe au près serré car une bascule à droite est prévue. Je vais la chercher au débridé 50/60° TWA. Je suis en tête de course 3Milles devant les meilleurs Sunfast 3600 Bellino et Game-On et j’ai creusé un écart de plus de 7 Milles sur les meilleurs Sunfast 3200 que sont Pierrick et Deb.
Le mardi matin vers 05h00 j’aborde en tête la côte Irlandaise accompagné de mes indécollables Sunfast 3600. Nous tombons tous les trois dans une bulle sans vent devant la baie de Glendore : bilan 6h de sur-place et les Sunfast 3200 reviennent par derrière… Pierrick, Deb sont à nouveau à portée d’AIS. Tout le monde reste scotché là quelques heures sauf le Sunfast 3600 BAM qui trouve une petite veine de vent au large, au ras du DST. Vers 10h00, Game-On et Bellino plus à terre que moi redémarrent en premier. Je les suis de près mais nous comptons environ 5 Mille de retard sur BAM.
Avec un vent mou revenu au 220° nous avançons au près sur un bord direct vers le Caillou situé à 12 Milles. L’écart avec les Sunfast 3600 est stable et je tourne le Fastnet en 4ème position talonné à 3Milles par les Sunfast 3200 de pointe. Pour le classement général ce n’est pas super, je dois être 3ème de ma classe mais j’ai le moral, il me reste 2 jours de course pour finir 1h20’ devant Pierrick et Deb (c’est environ le temps que je leur dois pour 5 jours de course): jouable non ? Je suis motivé, heureux d’être en mer avec un long bord sous Code 0 à faire jusqu’aux Scilly à 80/90° TWA : le confort quoi ! Mais comme on est jamais peinard longtemps c’est à ce moment précis que mon aérien me lâche : plus d’infos de vent… J’avais déjà eu une alerte la veille au soir mais c’était revenu. Là ça dure et même s’il me reste le mode compas, perdre les infos de vent est un vrai handicap quand on joue la gagne. Je me mets donc un peu en marge de la course pour réparer : je déconnecte tous les branchements de l’aérien en pied de mât, j’arrête la centrale, je la redémarre et… ça marche ! Bilan environ 30’ perdus sur la course = 3,5Milles … j’ai perdu les 3600 à l’AIS ce qui veut dire qu’ils sont à + de 7Milles devant et Pierrick PENVEN et Deb FISCH sont dans mon tableau arrière.
Ce mauvais coup me donne la niaque : je repars couteau entre les dents sous code 0 avec pour objectif de rechoper les 3600 à l’AIS aux Scilly. Le bord fait une 100aine de Milles, Je navigue vite, je dors bien, je mange bien et j’attends avec impatience le coin Sud-Ouest du DST Scilly, point de passage obligatoire avec son effet entonnoir sur la flotte, pour faire le point sur le classement.
Au coin Sud-Ouest du DST des Scilly : Banco, j’ai Game-On à l’AIS ! Je suis heureux mais j’ai un œil derrière : Pierrick et Deb sont partis plus dans l’Est que moi après le DST Fastnet et je les ai rapidement perdus à l’AIS. Mais à ce point de passage je ne devrais par tarder à voir Zephyrin réapparaitre à l’AIS. Je passe le DST et… rien, personne, nada. Je suis maintenant à + de 7M du coin du DST et toujours rien. Je me dis que le petit décalage à l’Est qu’il a fait avec Deb serait peut être pour passer au-dessus du DST pour redescendre par le couloir situé dans son Est. Si c’était le cas ce serait une grosse erreur car le vent prenant de la gauche sous les îles pour passer au 170° ils seraient contraints de descendre le couloir au près : 10M à louvoyer pendant que je cavale à 90° du vent sous code 0 ! En m’approchant de la terre je capte du réseau et l’application Yellowbrick me confirme que Pierrick et Deb sont là-haut. Ca va leur couter 15Milles qui seront difficiles à me reprendre à ce stade de la course car il ne reste plus qu’une 100aine de Milles avant l’arrivée!
Bon OK c’est bien parti pour la classe2 mais reste l’overall. Les premiers 3600 sont 20Milles devant mais comme sur la durée de la course (environ 5 jours) ils me doivent environ 3h30 ça reste jouable. Le problème c’est qu’il n’y a pas beaucoup d’option pour cette fin de parcours : la dorsale est bien là qui nous donne un vent faible revenu au 220° après avoir passé les îles Scilly. On avance à la queue leuleu jusqu’au cap Lizard et je ne gagne pas un centimètre sur eux… Pour le sprint final, c’est-à-dire la traversée de la baie de Plymouth jusqu’à l’arrivée, J’ai besoin d’infos météo fiables pour définir une stratégie. Je télécharge un fichier Navimail maille fine qui me montre qu’il faut éviter de trop s’approcher de la terre où le vent tamponne et le fichier montre un petit plus de pression en milieu-Ouest de la baie. Je la joue comme ça tandis que Bellino et Game-On s’empétolent à terre : je reviens à 3 Milles de ces deux là tandis que BAM reste au large mais vraiment trop. Je ne comprends pas sa trajectoire et de fait il ne reviendra pas dans le match. Nous sommes à 40 Milles de l’arrivé il y a 8Nds de vent toujours au 220° et il se maintiendra ainsi jusqu’à l’arrivée : ça commence à sentir bon…
A la maison les copains aussi commencent à sentir le bon coup : je reçois de nombreux textos d’encouragements auxquels je prends le temps de répondre. Erreur car j’oublie un peu de faire marcher le bateau, je me déconcentre et foire deux empannages spi dans la balancine (l’empannage dans la molle c’est mon point faible : il va falloir que je m’entraîne…). Bref par deux fois je suis obligé d’affaler, ferler et renvoyer. Je m’énerve et alors que j’étais revenu dans le tableau arrière de Game-On et à 3 Milles de Bellino, je reperds 3Milles sur la course. Rien de grave au final, je coupe la ligne 3ème en temps réel 6 Milles derrière Bellino et 3 Milles derrière Game-On : finir avec les Sunfast 3600 après presque 5 jours de course c’est une belle performance.
Et l’overall dans tout ça ? Je pensais vraiment que finissant premier des JPK et des Sunfast ça devait le faire pour l’overall. Oui mais… C’était sans compter avec les petits ratings, ceux que l’on ne voit jamais car on ne fait pas la même course. D’ailleurs au moment où nous coupons la ligne à Plymouth on m’apprend qu’un Sigma 33C barré par Will SAYER ancien vainqueur de l’OSTAR se trouve encore aux Scilly est encore susceptible de remporter l’overall pour peu que le vent tienne. Ainsi c’est la météo qui décidera. De fait je lui dois 18H et le vent se renforçant dans la nuit du jeudi au vendredi ELMARLEEN passera la ligne deux heures avant l’échéance…
Bon tant pis pour l’overall mais mon bilan est plus que positif. Pour une première en solo j’ai mis tous les Sunfasts 3600 derrière en compensé et seulement 2 finissent devant en réel à respectivement 6 Milles et 3Milles seulement devant moi après 630Milles de course ! J’ai également battu des coureurs du gabarit de Pierrick PENVEN, Deb FISCHER et l’énorme talent de ces skippers expérimentés donne évidemment du relief à ma victoire.
Mon bateau m’a donné entière satisfaction et, au petit souci d’aérien près, la préparation du bateau était impeccable ce qui est essentiel pour cette course qui est aussi une course par élimination avec seulement 23 bateaux à l’arrivée pour 46 au départ : merci à Mathias pour son travail de préparation !
Enfin au-delà du résultat je me suis senti heureux seul sur l’eau, j’ai eu beaucoup d’émotions fortes (tout est exacerbé en solitaire) et j’ai maintenant l’envie de persévérer dans cette voie… ce qui pose la question de la suite à donner à cette aventure : devinez à quoi je pense…