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Middle Sea Race 2018 : Récit de la course par Jean-Pierre Kelbert

Victoire Overall du JPK 1180 “Courrier Recommandé”

Véritablement la course démarre à la fin du Grand Pavois de la Rochelle 1 mois plus tôt. Le bateau est alors chargé sur un camion destination Marseille. Il sera ensuite convoyé par Arnaud Aubry jusqu’à Malte après de multiples aventures et en déjouant les pièges météo.

Arnaud a comme toujours “assuré” et le bateau est bien là, parfaitement préparé lorsque l’équipage débarque de l’avion le 18 Octobre, 2 jours avant le départ.

Autour de Gery (Trentesaux), le propriétaire à l’initiative de cette aventure, une équipe de haut vol : Arnaud Aubry, Frank Legall, Xavier Gueguen, François Lamiot, Eric Sandra, Jean-Pierre Kelbert et Alexis Loison le champion du bord !

La plupart d’entre nous ne connaissent ni Malte (magnifique) ni le parcours de la Middle Sea Race réputé exigeant. Le challenge est excitant et la pression est palpable car lorsque l’équipe de Géry débarque sur une course c’est avec des ambitions de résultats.

Pour le chantier, c’est aussi un challenge car nous courrons sur le dernier né de la gamme, le JPK 1180 qui a été dessiné par jacques Valer dans un esprit plus Off shore que ses petits frères. Le bateau a déja performé cette saison. 1er sur la Semaine de Cowes, le Tour de l’ile de Wight, La Trinité/Cowes. 2eme aux Scottish series, au Spi Ouest France, à l’Armen Race. Il manque une course majeure pour “lancer” le bateau.

Samedi 20 Octobre 12h40 nous sommes en procédure de départ sur une ligne très courte et encombrée lorsqu’un Dufour 50 n’arrive pas à répondre à notre lof et nous percute sur l’AR babord. Un chandelier est arraché et nous sommes bloqués contre son bordé sans possibilité de manoeuvre.
C’est très chaud mais au final plus de peur que de mal. Parti bon dernier de notre classe nous sortons tout de même 2eme à la bouée de dégagement et prenons rapidement les commandes dès l’envoi du spi lourd pour un petit bord de 3 milles.

Clairement, on avance comme des avions dans les 20 nds établis du moment. Bouée 2 enroulée, nous partons pour un très long près de 65 milles avant le Capo Passero en dessous de Siracuse.

Seul concurrent a résister pour l’instant le J133 “Jivaro” mais ce dernier reste bien au chaud à 1 mille derrière. Partis 40 minutes plus tard, les maxis commencent à se rapprocher. “Rambler” un 100 pieds puis “Momo” 72 pieds nous passent à 50 m sous le vent et le spectacle est superbe. Les heures défilent, les régleurs et les barreurs se succèdent pour être toujours à 100% du potentiel. A la Nav, Alex affine la trajectoire et anticipe l’atterrissage sur la pointe. Le cap est bien négocié et on creuse sur nos poursuivants. Le vent va bientôt faiblir et les fichiers annoncent un vrai “magma” pour la journée de demain. Au petit matin ça tamponne déja et le vent va mollir jusqu’à 3/4 nds lorsque les ratings plus gros semblent être passés sans freiner. C’est toujours la crainte pour le classement overall mais nous savons aussi que pour nous la course se jouera vraiment dans sa seconde partie avec le vent fort annoncé après le passage du Stromboli. Pour l’heure l’idée est de limiter la casse en attendant des conditions plus propices.
Le dimanche se fera en mode “chasse à la risée” et le J 122 “Anita” très typé vent léger, est revenu proche de nous. Il faut naviguer finement pour ne pas arrêter le bateau et profiter des moindres souffles. Génois, spi ça manoeuvre fréquemment sur le pont mais l’absence de code 0 se fait sentir. François a fait le choix d’un code 5 pour la brise qui va venir plus tard. Le vent rentre enfin légèrement et adonne pour embouquer la mer Ionienne et le détroit de Messine. Le courant y est fort et contraire à l’heure prévue de notre passage dans la passe très resserrée et coudée à l’extrémité du détroit. Avec Alex et Gery ça discute depuis un moment de la stratégie à adopter pour sortir de là sans buter le temps de la marée. 5 milles devant nous “Orange mecanix” le XP 44 est déja stoppé à l’AIS. L’idée sera pour nous de traverser sous spi travers au courant pour changer de rive et rejoindre la cote sicilienne où le courant est plus faible avec la renverse de marée prévue en décalage favorable. A longer la Calabre dans les contre courants et à toucher la terre au près dans 10 nds de vent, on se croirait sur le lac Léman. Le moment approche et le suspense total .
Comment va se dérouler le plan ? Comment va t’on traverser le détroit, quel vent nous attend sur l’autre rive ? Le suspense est total et la concentration aussi. La manoeuvre est envoyée fissa et françois hyper concentré à la barre lutte pour ne pas arrêter le bateau . Ca défile positif sur la terre à 20m et une dernière risée nous sort du piège.
Véritable point charnière de la course le scénario va désormais se dérouler “tout à l’endroit” ! Messine a été négocié à merveille, bravo Alex. Seul ” Anita” est encore dans notre sillage mais les autre sont encore “tankés” face au courant. Pour nous, c’est cap sur le volcan Stromboli à 35 milles. L’activité orageuse est forte et les éclairs zèbrent le ciel. Le vent shifte beaucoup. Spi max en VMG descente puis code 5 babord amure ca “droppe dans le djebbel” comme dirait Bilou.
Le J 122 a décroché et ne peut plus suivre. Le vent refuse en grand et j’ai moi aussi du mal à suivre le cap aux cadrans (dur de vieillir !) Alex reprend la barre et le grain est traversé au près avant de retrouver un vent sur tribord qui adonne. C’est parfait car la crainte était la négociation du dévent du volcan. Là avec 25nds venant du large ca va vite au largue serré et le spectacle est saisissant. Dans cette nuit noire, le volcan tout proche n’apparait qu’en ombre chinoise lorsque le ciel est chargé d’éclairs. Assis à l’ar avec Arnaud, on voit le sommet rougeoyant du cratère actif, c’est magique ! Gery barre d’une main sûre dans cette nuit noire et cette mer qui creuse. A la sortie de ces transitions nous avons “collé” 8 milles à “Anita”. On ne le reverra plus car le programme à venir s’annonce musclé et favorable à notre bateau .

Au petit matin nous sommes au près dans 20/25nds de vent pour un bord qui va durer 90 milles ! Le près c’est dur mais sur “Courrier” c’est une chance car on va faire le ménage autour de nous.

IMX 45, XP 44 nous revenons sur les bateaux de la classe au dessus ! A la barre c’est très fin pour passer les vagues sans taper et garder le compteur au dessus des 8nds. Nous passons la journée à tricoter au gré des bascules avec tack change lorsque le vent dépasse les 25 nds. Xavier le N°1 est vif et puissant, la manoeuvre est vite envoyée.

La pointe Mondello au dessus de Palerme puis le Capo Vito marquent la fin de l’ascension ! La nuit vient de tomber lorsqu’on envoie le code 5 avec un ris dans la GV.

Ca va vite et le réglage des safrans est dur à trouver. Gery, Alex puis à mon tour de prendre la barre car c’est du pilotage assez exigeant dans cette nuit noire. Les nuages d’orage masquent la lune et on navigue au feeling. La mer se creuse, désordonnée. En milieu de nuit une claque plus forte fait partir le bateau au lof. Frank choque en grand et je redresse le bateau. La bouffe est violente et en se regonflant le spi embarque le bateau à la contregîte. Le départ à l’abattée est inévitable !

En 2 secondes nous sommes sous l’eau et je suis balayé violemment en AR avec Frank qui lui aussi se fait embarquer par le flot puissant. Nous sommes 7 sur le pont et Arnaud hurle “homme à la mer”. Le bateau se redresse un peu et je sors la tête de l’eau ; Arnaud est penché sous le vent, il tient son pote Frank passé par dessus bord accroché à son écoute .. Je lui file un coup de main et Franck se retrouve à bord. Tout le monde est là ! Xavier attrape la barre qui se retrouve sans personne et remet le bateau dans l’axe. Alex qui a traversé le bateau à l’intérieur, vient en renfort et prend la barre. Avec Frank on descend se changer un peu choqués ! Dans le vrac, j’ai dû me cogner assez fort la jambe et c’est en mode “jambe de bois” que je vais terminer la course; un bel hématome à la cuisse et au mollet.
La course continue mais nous avons conscience que c’était un peu “chaud” car nous n’étions pas tous attachés. De son côté, Alexis s’est bien amoché le doigt avec une écoute de spi qui file sur le winch et lui fait taper fort la manivelle.
30 mn plus tard le spi est affalé car la nuit est trop noire et la mer trop croisée pour naviguer sans risques. 3 h plus tard il fait jour et Gery piaffe sur le pont pour renvoyer le code 5. Je comprends alors que l’esprit “Courrier” est bien celui là . Jamais de “mou dans la laisse” ! Gery est le 1er à vouloir mettre du charbon, toujours à 100% d’engagement.

Pendant 4 h, il barre et dévale les murs d’eau sans se faire piéger. Alex tout comme moi sommes impressionnés. Les wincheurs se relayent pour accompagner les surfs endiablés toujours entre 15 et 20 nds . Eric est puissant et tient la cadence à l’embraque .

François à la GV sauve à 2 reprises Gery en poussant à fond la barre pour éviter un nouveau départ à l’abattée. A l’horizon, des voiles se rapprochent et nous fondons sur des gros ratings et des bateaux 2 classes au dessus de nous ! Clairement nous sommes en train de faire un hold up !

Lampedusa est notre dernière marque de parcours avant Malte à 80 milles de là. On passe en parfaite Layline l’extrémité de l’île et je remplace Gery à la barre.

En longeant la terre sous le vent de l’île, les sentiments se mélangent dans ma tête. Plaisir de la course et du bon boulot accompli mais aussi le malaise dans ce lieu désolé et sinistre pour ces pauvres réfugiés.
Terrain de jeux pour certains, cimetière marin pour d’autres, quel drôle de monde !

Le dernier bord se fera à la bordé au près ouvert. l’équipage est “cramé” et c’est dur de rester tous au rappel. C’est sûr que côté sommeil nous sommes tous en grosse dette et on se succède par 2 à la bannette. 80 milles à 10 nds c’est vite avalé et la terre se profile enfin. Dernière abattée avant de s’engager dans le chenal d’arrivée. Il reste 4 milles à faire et l’angle à 125° du vent est limite pour le spi lourd et les 25 nds réels. François tranche, on envoie . Gery attaque à la barre et ça va vite. Le cap est serré et nous sommes à la limite trop car le grain va nous mettre à mal et l’affalage va se faire en mode “cata” avec la terre moins d’un mille sous le vent. L’arrivée est franchie mais trop tôt pour laisser exploser notre joie car beaucoup de bateaux sont encore en course.

Bateau amarré on s’offre un verre de rhum et un repas chaud. Le bonheur !

“Courrier Recommandé/ Custo Pol ” remporte au final avec 4h d’avance le classement Overall !

Bravo Gery et merci pour cette belle aventure. Merci les copains et bravo Alex pour cette leçon de navigation.

Pour le chantier JPK c’est carton plein avec victoire Overall, victoire en IRC 5, en IRC 6 doublé des 2 JPK 1080 “Solenn” et “Rosko” mais aussi victoire en double de “Bogatyr”.

Jacques est trop fort et le 1180 la machine parfaite pour toutes les classiques ….

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