On recrute

À bord d’un JPK 1180 sur le podium de la Middle Sea Race

© Rolex Middle Sea Race

Marco Paolucci, skipper du JPK 1180 Libertine, a décroché une belle troisième place en IRC double sur la Rolex Middle Sea Race 2025. Voici le récit de sa course :

Cette année, j’arrive à Malte avec une bonne avance, le dimanche 12 octobre, accompagné d’Enrico Ciotti, membre historique du « short team » de Libertine. Peut-être avais-je hâte de reprendre le départ de la Middle Sea Race après une année d’arrêt forcé — faute de bateau — depuis que Libertine Comet a été vendue en 2023.

En décembre dernier est arrivée la nouvelle Libertine, un JPK 11.80 : nouveau bateau, nouveaux défis. Apprendre à connaître une unité demande du temps et de la dévotion — deux choses qui ne me manquent pas — mais le chemin est long, et il faut de la patience. Dès janvier 2025, avec des amis, marins professionnels et amateurs, j’ai entamé un travail d’optimisation : réglages du mât, nouvelles voiles, mise au point des polaires, etc.

De mai à septembre, plusieurs régates d’entraînement se sont enchaînées, dans le but d’être fin prêt pour mon objectif : la Rolex Middle Sea Race.

Pour mon équipier, Niccolò Bertola, c’est une première participation à Malte ; pour moi, la quatorzième. Il a 38 ans, j’en ai 63 : il pourrait être mon fils.

Top départ !

Nous partons prudemment, au centre de la flotte IRC5, sans chercher à rivaliser avec les équipages en équipage complet, mais sans rien concéder non plus. À la sortie du Grand Port de La Valette, tout se passe bien. Le vent appelle le spi A1.5 : deux empannages, et nous voilà à hauteur de St Julian’s. On affale, on déroule le génois, cap sur la Sicile au près, direction le premier passage clé : le détroit de Messine.

Le bateau avance bien, plus de 7 nœuds de moyenne. Le vent oscille comme souvent ; la pluie s’installe, et ne cessera pas avant seize heures. Après Catane, le vent mollit et nous oblige à multiplier les virements, nous repoussant vers la côte calabraise. Ceux qui nous suivent bénéficient d’un autre régime et filent tout droit, économisant de précieuses milles. Nous reprenons un peu sur la fin du bord, mais pas suffisamment pour creuser. Nous sortons du détroit avec le courant favorable, mais le vent s’écroule, et la flotte se regroupe.

Notre option tactique, rester au nord à l’approche de Stromboli, s’avère payante : nous accrochons une petite pression et faisons route au près à 6,5 nœuds de COG pour 8–9 nœuds de vent réel (TWS).

Le soleil se couche, et comme souvent dans ces transitions de lumière, quelque chose se passe : le vent tombe à 2 nœuds, mais reste au près. Nous passons Strombolicchio à 1 nœud de vitesse fond, tout près de la roche — jamais je n’étais passé si près, même en 2022, l’année des grandes calmes. Nous laissons la petite île derrière nous à 23h00, le bruit de la houle sur les rochers nous rappelant le danger.

Attention encore à la zone interdite autour de Stromboli : la franchir coûterait cher en pénalités. Le vent s’ouvre, nous envoyons le gennaker, à l’angle préféré du bateau, 90–100° TWA, et restons délibérément hauts au nord, quitte à rallonger la route, pour chercher une meilleure pression. Cap sur Ustica : choix tactique gagnant, alors que nos adversaires restent plus au sud.

Nous passons les Égades, en prenant garde de laisser Levanzo à bâbord. Nous comptons 67 milles d’avance en temps compensé : le rating commence à payer, mais la course n’en est qu’à mi-parcours.

À bord, Starlink est un atout précieux : connexion permanente pour les mises à jour météo, mais aussi pour échanger avec ceux qui nous suivent, enthousiastes de nous voir en tête sur YB Tracking. L’expérience m’a appris qu’à la Middle Sea Race, il ne faut jamais crier victoire trop tôt. Je rappelle à tous : gardons notre calme — il reste 300 milles.

Les calmes de Lampedusa

Nous savions que la suite serait rude : les prévisions annonçaient un vent de face en déclin, tandis que par l’arrière, la brise allait rentrer fort. Ce que nous ignorions, c’est que dans les bordées de portant avec peu de vent, une houle croisée allait rendre le spi difficile à tenir, dégonflant les voiles. Pendant ce temps, nos concurrents profiteraient d’un vent plus soutenu entre les Égades et Lampedusa, gagnant 25 milles, et surtout une route plus directe, économisant encore 20 milles.

L’attente dans la pétole à Lampedusa fut terrible. Garder la concentration n’est pas simple après quatre jours de course, commencés sous la pluie, et terminés sous une chaleur d’été. Comme toujours à Lampedusa, les dauphins viennent jouer autour du bateau : moquerie ou encouragement ? On ne sait jamais.

Autour de nous, que du beau monde des groupes 4 et 5 : Mon Ile, Elusive II, Be Wild, Ton Ton La Ferla, les deux Neo, le catamaran Picomole… tous plus grands que nous. Nous restons au large de l’île — une manie que j’ai, pour ne pas finir encalé dessous. Cette fois, même ceux restés collés à la côte s’en sortent bien.

Avec un bon angle vers Comino au travers, nous avançons plus vite que le vent apparent : illusion brève, car au coucher du soleil tout retombe à nouveau. Nous progressons à 1 nœud de vent réel, dérivant avec le courant. Nous cherchons de la pression vers le nord — la ténacité paie : le vent revient. On renvoie l’A1.5 : 4,5 nœuds de vitesse fond pour 6 nœuds de TWS, à 140° TWA.

Le vent monte. À 15 nœuds, nous décidons de remplacer l’A1.5 par l’A4 : choix conservateur mais gagnant pour la descente vers le canal de Comino. Le vent grimpe à 22–24 nœuds, avec des rafales à 27 : le bateau file à 10 nœuds de moyenne, avec des surfs à 15 ; et surtout, il reste parfaitement stable, sans départs au lof ni enfournements.

Nous nous relayons à la barre, à qui prendra la plus belle vague : record pour Niccolò, 17,4 nœuds !

À hauteur de Gozo, il faut empanner : mer croisée et vagues puissantes. Nous affalons le spi, poursuivons un moment sous grand-voile seule : les automatismes se rôdent. Trompés par le tracking YB, qui nous annonçait 2 heures d’avance, nous roulons le gennaker à Comino — trop de trafic de ferries. Une fois dégagés, on renvoie l’A2 jusqu’à la bouée de dégagement devant l’arrivée. Avec 16 nœuds de vent réel, on avance à 9 nœuds de COG à 155° TWA, trois empannages entre les cargos au mouillage, et on referme la chaussette du spi en sécurité.

Dernier bord de près, et coup de canon à 11h12, le 23 octobre.

Fin de course à Valetta

Nous sommes heureux, pas même épuisés. Comme toujours dans cette régate magique, différente chaque année.

Je le répète : la Rolex Middle Sea Race n’a pas d’égale, ni pour sa difficulté, ni pour la beauté de ses paysages, ni pour le niveau des concurrents, ni pour la variété des conditions météo et de mer. Le tout, sous une organisation irréprochable du Royal Malta Yacht Club, que j’ai l’honneur de représenter comme membre.

Résultats de Libertine :

  • 1er en temps réel double – Trophée Vattani
  • 3e en IRC Double
  • 7e en IRC 5 (première double parmi les équipages complets)

Le projet New Libertine, lancé en février 2024 avec l’achat du bateau, avait deux objectifs, inscrits dans notre numéro de voile MLT 1122.

Les deux « 2 » rappellent les deux podiums obtenus à la MSR : 2020 avec Andrea Fornaro, et 2022 avec Lorenzo Zichichi.

Le Comet ne pouvait guère mieux faire en IRC ; il manquait deux « Un », deux victoires.

La première est arrivée cette année, avec le 1er temps réel en double. Il reste encore du temps pour aller chercher la victoire en IRC …

Remerciements

Je remercie, par ordre alphabétique :

  • Carlo Alfano – mon avocat, mon plus grand fan, ton enthousiasme est contagieux.
  • Marco Balbi – compagnon indispensable dans toute la phase de préparation, d’entraînement et de réglages.
  • Niccolò Bertola – marin exceptionnel, professionnel de haut niveau, toujours concentré sur l’objectif, parfait équipier en double, tant pour ses compétences que pour ses qualités humaines.
  • Domenico Caparrotti – pour le gréement initial.
  • Enrico Ciotti – ami et skipper du short team, sans toi, difficile d’avoir un bateau prêt à temps.
  • Andrea Fornaro – team manager et coach, tes conseils sont aussi précieux que ton amitié.
  • Paolo Giummarra (voilerie Sisail One Sicilia) – une belle rencontre.
  • Giacomo Gonzi – fidèle soutien depuis des années, excellent conseiller et ami sincère.
  • Giovanni Mengucci – pour l’électronique NKE et les pièces 3D.
  • Diego Morani – pour le développement du jeu de voiles Quantum.
  • Mimmo Prospero, Marco Colella, Nando Barlone – des professionnels au top, indispensables.
  • Claudio Santi et son équipe – les installations électriques et électroniques de Libertine sont parmi les meilleures.
  • Diego Tisci – pour le gréement final.
  • Merci aussi à JPK Composites, pour m’avoir livré un bateau rapide et performant ;
  • au Royal Malta Yacht Club, de son commodore aux bénévoles, et en particulier à Alana Meadows et Godwin Zammit pour leur amitié et leur soutien ;
  • à Lorenzo Zichichi, frère de mer et grand ami ;
  • à mes amis, toujours bienveillants ;
  • à mes enfants – Anastasia, Gilberto et Daniele – et à mes sœurs Lucia et Arianna, pour leur patience ;
  • et enfin à Cinzia, l’amour de ma vie depuis 37 ans, sans qui rien de tout cela ne serait possible.
  • Je dédie cette victoire à moi-même : après tout ce travail, je crois que je l’ai vraiment méritée.

À l’année prochaine, pour la prochaine Middle, la prochaine aventure.

Marco Paolucci

Les équipes de JPK Composites félicitent Marco et Niccolo pour ce podium en IRC double ! Les résultats complets sont à consulter sur le site de la Middle Sea Race, et pour en savoir plus sur le JPK 1180, c’est par ici.

La newsletter du chantier

Retrouvez dans votre boîte mail nos nouveautés, les victoires marquantes de nos bateaux, notre présence aux événements du nautisme, et plus. Abonnez-vous ci-dessous en deux étapes simples !